L'église de Saint-Pierre-Eglise

Texte

Il reste encore de la vieille église de Saint-Pierre des parties intéressantes, dont un examen attentif peut servir à déterminer l'époque de construction.

Son curieux portail en plein cintre, à moulures romanes, couvert de zigzags et de losanges artistement disposés, est de la dernière période de l'architecture romane, tandis que l'ogive à lancette du premier étage de la tour, l'arcade en tiers-point à l'entrée de la nef et la fenêtre de l'ancien sanctuaire appartiennent à la première période du style ogival. On peut donc avancer sans crainte que l'église s'est élevée entre 1190 et 1210.

A cette époque, deux seigneurs, Thomas de Clamorgan et Jourdain de Nerbonne, possédaient la majeure partie du territoire de la commune. Eux ou leurs successeurs immédiats firent bâtir l'église à frais communs, et s'en partagèrent les revenus et le patronage. C'est là l'origine de la division de la paroisse en deux portions, administrées chacune par un curé, à la nomination du seigneur de sa portion.

Cet état de choses dura jusqu'en i650. Charles Castel , — baron de Saint-Pierre, gouverneur de Valognes, bailli du Cotentin et père de l'auteur de la Paix universelle, l'abbé de Saint-Pierre, - sur les instances de ses vassaux, accepta la charge de trésorier de la fabrique. Depuis longtemps, Saint-Pierre avait pris une importance considérable. Sa modeste église était devenue insuffisante pour contenir les fidèles de jour en jour plus nombreux. Un devis fut dressé, le 11 Juin 1651, pour en construire une nouvelle, englobant l'ancienne, dont la tour, la côtière du nord et le chevet furent conservés. Sa longueur est de 31m,75 sur 18m,60 de largeur. Douze fenêtres en anse de panier et un oculus au pignon occidental l'éclairent à l'intérieur. Un porche de 11 mètres carrés sert de vestibule au portail. On convertit la vieille nef en bas-côté, et le sanctuaire en sacristie. La tour, qui a 26 mètres de hauteur, fut exhaussée et la plate-forme du sommet flanquée de quatre guérites reliées entre elles par une balustrade en granit. Elle ressemble à un donjon du moyen âge.

La voûte a la forme d'une barque renversée. L'arête figure la quille, de laquelle partent huit grandes lignes de pierre, représentant les membrures. Celles-ci s'appuient, d'un côté sur les piliers des arcades, de l'autre sur la côtière méridionale et forment un arc ogival d'une hauteur de 10m,20.

A défaut d'autre mérite, cette voûte est très originale et d'une solidité à toute épreuve.

Il est regrettable que l'architecte ait réuni les deux églises sous la même couverture. Cette disposition leur a fait perdre tout aspect monumental, tout caractère religieux. Sans la tour, qui domine l'immense toiture à pignons rabattus, on dirait une halle aux grains.

La construction et l'ameublement de l'église coûtèrent personnellement au baron de Saint-Pierre la somme de 30,000 livres. Pierre Doyard de la Motte, curé de la première portion et Jean de Survire, curé de la seconde, prêtèrent à leur seigneur le concours le plus actif et le plus efficace, par leurs fondations généreuses. La mémoire de ces trois bienfaiteurs de notre église mérite de passer à la postérité.

Source

Recherches historiques sur le canton de Sauil-Pierre-Eglise, par M. Louis DROUET, p. 10-35.

Auteur

Louis Drouet

Ouvrage

La Normandie monumentale et pittoresque, édifices publics, églises, châteaux, manoirs, etc.. Manche

Année

1899

Source

Gallica