Notes sur plusieurs communes du départment

Texte

Anneville-en-Saire, canton de Quettehou, population, 750 habitants. C'est le berceau d'une famille qui, dans le XIe siècle, fit de grandes donations a l'abbaye de Lessay; elle figura en Angleterre dans le comté de Devon et l'île de Wight, et à la croisade de 1096. - M. Le Tort d'Anneville, mort il y a peu d'années, a l'âge de 86 ans, avait siégé avec une grande distinction au parlement de Rouen. - Le château du Tourp appartenait dans le XVIe siècle à M. de La Cour, chef des ligueurs très redouté dans ce canton. Il fut pris par les troupes de Henri IV, au mois de juin 1591. Le nom de cette terre est allemand et signifie village. On y trouve beaucoup de traces d'anciennes habitations.

Barfleur, canton de Quettehou, arrondissement de Valognes, a une population d'environ 1,200 habitants, depuis sa séparation d'avec Montfarville. Ce bourg qui au moment de la révolution de 1789, n'avait pas 20 hectares de territoire, n'est plus que le reste du premier port du pays sous les ducs de Normandie et longtemps avant eux. Il fut détruit par les Anglais en 1346. Le chapelain du roi Edouard III, Guillaume de Norbury, témoin oculaire de l'expédition le comparait pour la population à la ville de Sandwich, ce qui s'accorde avec un titre français d'après lequel Barfleur paraît avoir eu alors 1800 maisons. Ce fut la constamment que s'embarquaient et venaient débarquer les ducs de Normandie pour passer en Angleterre et vice-versa. Ce fut là que le roi Jean Sans-Terre prit son dernier passage de Normandie en Angleterre, au mois de décembre 1203. Il paraît que la mer a couvert la rade et une partie de la ville. En 1420 un vaisseau qui portait en Angleterre les enfants de Henri I, avec toute sa suite, périt à Barfleur; il n'échappe du naufrage qu'un boucher de Rouen, appelé Bérold. Ce sinistre arriva le jour de Sainte-Catherine; on en trouve les détails épouvantables dans tous les historiens anglais du moyen-âge, et particulièrement dans Ordéric Vital. Il y avait à Barfleur un couvent d'Augustins établi à la fin du XIIIe siècle. Il existe un travail spécial sur l'ancien port de Barfleur, dans un recueil intitulé Archives historiques de la Normandie, par M. Louis Dubois, ancien sous-préfet de Bernay et de Vitré, publié vers 1825.

Bretteville, arrondissement de Cherbourg, population 700 habitants. On voyait encore, il y a peu d'années, les restes d'un ancien château bâti dans le style des constructions romaines. Il fut le siège d'une seigneurie du nom de Picot, et elle passa par alliance dans la maison des aieux du colonel Armand de Bricqueville, vers la fin du XIV° siècle. On voit encore aujourd'hui sur la ‘hauteur un magnifique dolmen druidique.

Clitourps, arrondissement de Cherbourg, canton de Saint-Pierre-Église, population 400 habitants. Il y avait à Clitourps, appelé quelquefois dans les anciennes chartes Torgis torp, un prieuré sous le titre de Saint-Michel, dont la fondation remontait à Henri, roi d'Angleterre. Clitourps était traversé par un chemin perrey, comme le prouve une concession faite en 1213 par Raoul, fils d'Amaury, à Robert de la Vallée.

Cosqueville, canton de Saint-Pierre, arrondissement de Cherbourg, population 960 habitants. On remarquait dans cette commune trois monuments druidiques, une pierre levée sur la grande ferme, un dolmen au hameau de la Trigalle, où l'on a découvert quarante coins en bronze, et une pierre branlante au bord de la mer. Ces derniers sont détruits depuis quarante ans.

Fermanville, arrondissement de Cherbourg, canton de Saint-Pierre , population 2,200 habitants. - Dans cette commune étendue et populeuse, plus rapprochée de l'île de Wight et de Portsmouth que Cherbourg et Barfleur, il y avait autrefois un port fréquenté des Romains. Peu de nos communes, excepté celles où il existait des stations bien connues, offrent plus de traces romaines que celle de Fermanville dans le voisinage du Cap-le-Vic. C'est là qu'une armée anglaise, commandée par le roi Henri II, vint débarquer en 1177. Il y a dans cette commune et dans quelques autres du canton, un souvenir curieux du moyen-âge: c'est la rue aux Juifs. Les découvertes de haches et de coins en bronze ont été nombreuses à Fermanville , particulièrement dans le quartier nommé le Bois, des meules romaines et beaucoup de tuiles à rebord et d'imbrices, autour de la petite baie appelée le Pied-Sablon et du hameau du Perray. Il y avait naguères plusieurs pierres levées. Plusieurs routes très anciennes, plusieurs chaussées venaient de très loin aboutir à Fermanville. La plus remarquable partait du camp de Montcastre, à Montebourg.

Gatteville, arrondissement de Cherbourg, canton de Saint-Pierre-Église, population 4,470 habitants. - Le courant dangereux, connu sous le nom de Raz-de-Gatteville, a nécessité l'établissement d'un phare sur ce point. Le premier fut construit sur la partie saillante du rocher de Gatteville, pendant l'année 1774 et 1775. Ce fut la chambre de commerce de Rouen qui fit les frais de cette construction; ils s'élevèrent à la somme de 90,000 francs. Sur un fondement inébranlable, était assise une plate-forme octogone, bâtie en talus et entourée d'un mur d'appui; de cette base s'élevait une tour cylindrique haute de 73 pieds. Le sommet de la tour était orné de moulures circulaires. On y admirait des corniches d'un granit de couleurs variées, qui avaient coûté chacune à tailler plus de 300 livres. L'entrepreneur s'appelait Maurice. On jugea dans le temps qu'il avait travaillé en artiste, en vue de la perfection du travail, plutôt qu'en vue de son intérêt d'argent. Aussi la chambre de commerce, pour lui témoigner sa satisfaction, lui donna-t-elle 20,000 livres, au-delà du prix de l'adjudication. Nous nous plaisons a consigner ces détails, qui honorent la mémoire de nos anciens entrepreneurs et de ceux qui les employaient. Ce phare fut d'abord éclairé avec du charbon de terre; mais bientôt après, vers 1780 , par l'ordre des syndics de la chambre du commerce de Rouen, on substitua a cette lumière, celle de réverbères consistant en seize lampes fournies d'huile. On s'apercevait depuis longtemps que ce phare n'était pas assez élevé; qu'il ne portait pas la lumière au-delà de deux lieues. En 1827, M. de La Rue, ingénieur des ponts-et-chaussées pour l'arrondissement de Valognes, commença le nouveau phare, dont M. d'Estourmel, préfet de la Manche, vint poser la pierre d'honneur. Il a à peu près trois fois la hauteur de l'ancien. Il a été terminé durant l'été de 1833, sauf la lanterne, qui ne fut placée qu'en 1834. Le beau granit employé à sa construction a été pris dans le voisinage. Toute la côte est granitique, depuis la Hougue jusqu'à Fermanville. L'adjudication de ce beau phare fut donnée à M. Ménard, de Saint-Vaast, à la somme de 332,000 francs. La lanterne construite d'après le système de Fresnel, a coûté à Paris 30,000 francs. Il faut voir ce magnifique monument, pour se faire une idée de son importance et de sa belle exécution. Durant la construction de ce phare, un phénomène, dont on ne connaît pas d'exemple dans le pays, vint étonner tous ceux qui y étaient employés. Vers le 10 août 1832, époque à laquelle les travaux s'élevaient déjà à 420 pieds de hauteur, le phare fut enveloppé, dans un rayon de plus de 50 mètres, par une nuée d'insectes microscopiques coléoptères et de forme allongée. Ils causèrent une grande démangeaison à tous les ouvriers, sur les parties du corps qu'ils purent atteindre. Les pantalons blancs, les papiers et les rideaux, en étaient tout noirs. Cet insecte semble appartenir à la mer, car le vent soufflait alors de ce côté.

Grenneville, petite commune réunie pour le civil à Crasville, formant, par cette réunion, une population de 540 habitants, arrondissement de Valognes, canton de Quettehou. C'est le berceau d'une famille de la conquête, qui porte encore aujourd'hui le nom de Grenneville et dont le duc de Buckingam est le chef.- Il ne faut pas confondre ce nom avec celui de l'article précédent. Ces noms s'écrivent exactement en anglais, comme nous les écrivons en français. Les seigneurs de Grenneville qui passèrent en Angleterre avec le conquérant, forment la tige dont le duc actuel de Buckingam et de Chaddos se font honneur de descendre. - Il y a à Grenneville un castel romain. On a trouvé dans le cimetière plusieurs sarcophages de tuf.

La Pernelle, arrondissement de Valognes, canton de Quettehou, population 330 habitants. - Le mont de La Pernelle est le point culminant qui termine au levant, la chaîne des hauteurs du Val-de-Saire; il se voit de loin en mer, quand on vient des ports du Havre ou de Caen. - Au pied de la Roque-Cabart, on voit une fontaine bénie et immédiatement au-dessus une fontaine de saint Marcouf. Un peu au-dessus se trouvent une pierre plantée et les débris d'un monument druidique. Il y a, dans les halliers de la Roque-Cabart, un trou que l'on appelle le Trou aux Fées.

Lestre, arrondissement de Valognes, canton de Montebourg, population 640 habitants. - En 1213, cette commune formait deux paroisses distinctes, l'une sous le nom qui a persisté, l'autre sous celui d'Anglesqueville. - Richard de Lestre avait une baronnie de Lestre, dans le comté de Somerset, sous Henri Ier et sous Henri II. Vers 1150, celui-ci donna à Odon Le Bouteiller, seigneur de Lestre, la seigneurie de Doville, qui avait appartenu a Regnault du Rozel. Cet Odon donna à l'abbaye de Blanchelande, les églises de ces deux paroisses, dont les curés étaient religieux de cette abbaye. Cette donation explique les deux inscriptions qu'on voit dans le chœur de l'église de Lestre, à droite, prés du sanctuaire, à sept ou huit pieds de haut dans la muraille. La première est ainsi conçue: « Cy devant gist frère Nicolas Aneroult, natif de Criense, en son vivant abbé de Blanchelande, prieur, curé de cette ville, qui décéda le 11e jour de juing 1557. Dieu en ait l'âme. L'autre inscription est immédiatement au-dessous, comme il suit: « Frère Nicolas Le Longuer, natif de Néhou, chanoine régulier, profès de l'abbaye de Blanchelande, ordre de prémontré, prieur, curé d'Anglesqueville-Laître, y a fait bâtir la sacristie et allonger le chœur de vingt-quatre pieds, en 1714. » Le titre de ville doit paraître assez singulier pour une simple bourgade. On voit aussi qu'en 1714, le nom des deux anciennes paroisses était encore conservé, mais réuni en un seul. - En 1562, les protestants, en allant à Tatihou, chercher de l'artillerie pour battre le château de Valognes qu'ils assiégeaient et où commandait Louis d'Ursus, seigneur de Lestre, pillèrent et ravagèrent le château de Lestre. Les chefs des protestants qui assiégeaient le château de Valognes, étaient les seigneurs d'Agneaux et Sourdeval. Il fut fait une enquête au tribunal de Valognes en 1378 sur ces dévastations. Nous avons cette enquête. - La famille à laquelle appartenait Louis d'Ursus, avait acheté, dans le XVe siècle, la seigneurie de Lestre d'un seigneur nommé Capedelaine, ce qui avait fait croire à tort que les Ursus avaient d'abord porté le nom de Capedelaine. Des fouilles furent faites, il y a cent ans, à Lestre, pour y trouver de la houille, par le même Matthieu qui a découvert la mine de Litry, et ensuite par Sorel, en 1790, qui poussa le puits quatre-vingts pieds plus avant que celui de Matthieu. On y a trouvé un grès micacé et des têtes de clou, mais plus rares qu'à Carteret, avec quelques pétrifications de la famille des entroques, dont la substance ressemble à du spath calcaire d'un gris noirâtre. On a trouvé à l'entrée du puits du calcaire de transition, mais en petite quantité. La ligne droite du pont Barbet, sur la route romaine de Saint-Cosme, à Barfleur, passait par la grève depuis Grenneville jusqu'à. Quettehou. Elle est marquée sur la carte du diocèse de Coutances par Hébert. Toutes les traces qu'on trouve sur cette côte confirment cette direction. Il en existe à Grenneville, Morsalines et surtout à Quettehou, près du moulin et des maisons présentement attaquées par la mer, et qui auront tôt ou tard le sort de beaucoup d'autres qui existaient sur cette côte , notamment le hameau Joli, qui était à Morsalines et dont les dernières maisons ont disparu , il n'y a pas encore très longtemps. Voila pourquoi la terre de Morsalines fut vendue à vil prix. Quelques personnes ont encore connaissance de maçonneries très solides sur la rogue de Lestre, qui ne découvre que dans les plus grandes marées. On a trouvé dans toute cette direction, beaucoup de médailles du haut-empire.

Le Theil, arrondissement de Cherbourg, canton de Saint-Pierre-Eglise , population 1,132 habitants. - La station romaine, dont la majeure partie était sur Montaigu, s'étendait dans le bois de Barnavast, qui est sur le Theil. On y a trouvé beaucoup de briques en 1828, et d'autres encore, en 1833, prés de la maison du garde. Parmi ces dernières, il y avait deux tegulæ, chargées d'une couche épaisse de mortier; elles portaient probablement sur le haut de la muraille. Elles ont été conservées. - Dans une autre partie du Theil, au bord du Bois du Coudrey, dans un terrain en bruyères, prés du ruisseau ou passage Kerbec, on remarque de petites tombelles. En 1836, on a trouvé au Theil, à la Hannière, une médaille en or, de Domitien, portant au revers Cos IIII, avec une corne d'abondance. Nous l'avons en notre possession.

Le Vaast, arrondissement de Cherbourg, canton de Saint-Pierre-Eglise, population 1,503 habitants.- Le Vaast était le passage de la voie romaine d'Alleaume à Barfleur. Aussi il y a beaucoup de traces d'anciennes habitations. On y a trouvé une grande quantité de briques, de meules et de médailles, surtout a la hauteur du moulin du Houx, à l'entrée de Valcanville. En 1830, en défrichant un morceau de bois de Boutron, sur la route de Cantelou, on découvrit 26 haches de bronze, qui furent vendues au prix de 44 sous la livre, à un fondeur de Cherbourg. - En 1120, Henri V, roi d'Angleterre, confisqua cette seigneurie sur Philippe de Vierreville et la donna à John Heyne. - C'est au Vaast qu'existe la filature la plus considérable du département. Elle a été créée par M. Fontenillat, en 1803, et, chose remarquable, elle n'interrompit pas ses travaux, même dans les temps les plus difficiles de l'empire, où il était si malaisé de se procurer le coton. Le fils du fondateur, M. Edouard Fontenillat, continue avec persévérance l'importante entreprise de son père. Il y a au Vaast un autre établissement non moins remarquable, un moulin construit, en 1820, d'après le système anglais. Il consiste en quatre paires de meules, dont chacune donne 420 kilog. de farine par heure. Les blés se tirent en grande partie de la Bretagne, et les farines se vendent à Cherbourg, au Hâvre et à Rouen. Enfin, sur la même rivière, la Saire, se trouve, assez près de la filature, l'usine du Houx, pour laminer le zinc. Ces précieux établissements, dûs à la famille Fontenillat, ont beaucoup augmenté la population du Vaast, où il s'est formé, depuis plusieurs années, une espèce de bourg et un petit marché à blé.

Le Vicel, arrondissement de Valognes , canton de Quettehou, population 378 habitants. - Foire Saint-Jean-Baptiste, prés d'une ancienne chapelle Saint-Jean. - Le nom de cette commune est évidemment romain, Vicellus. C'était un camp romain, au lieu appelé encore aujourd'hui les Castiaux de Pépinvast. On y a trouvé plus de mille médailles d'argent et de petit bronze en 1780, au hameau de la Folie, plus de soixante meules romaines au même lieu, d'autres dans le bois de la Folie. - En rétablissant le chœur de l'église, en 1820, on a découvert, à plusieurs pieds de profondeur, un cercueil de tuf, avec son couvercle, et les restes d'un squelette dont les pieds étaient tournés vers l'est. Dans un champ tout près de l'église, nommé la Platine, on a trouvé plusieurs autres cercueils de tuf, presque à fleur de terre. - Dans le bois de la Folie, il existait une abbaye, dont il ne reste que des ruines, l'abbaye du Licornet, appelée Vissaire, par Robert Wace. C'était une dépendance de la cure de Barfleur, ou plutôt de la Maison-Dieu de Barfleur, à laquelle elle avait été donnée par Guillaume Foliot, avant l'année 1223.

Maupertus, arrondissement de Cherbourg, canton de Saint-Pierre-Église, population 326 habitants. - Exploraterium romain, appelé le grand Castel. Plusieurs centaines de médailles ont été trouvées sur ce terrain, il y a une soixantaine d'années.

Montaigu-la-Brisette, arrondissement et canton de Valognes, population 4,000 habitants. - Le poudingue quatzeux y est très commun. On trouve une grande quantité de baryte dans le gravier supérieur au poudingue. Dans le quartier appelé rue de Venise, aux limites de Sauxmesnil, le Theil et Montaigu, on trouve beaucoup de traces romaines des tuiles assez grandes et du ciment. On y a découvert une figurine en terre cuite blanche, analogue à celles qu'on a trouvées dans les mielles de Cherbourg. La tête manque, le corps est entier, établi sur une base creuse. Cette statuette, sans la tête, a environ cinq pouces de hauteur. On y a aussi trouvé une vingtaine de médailles de grand bronze. Le Montcastre, lieu élevé entre la Comté et le bois de Barnavast, ne présente pas de traces d'anciens retranchements qui ont pu disparaître dans les travaux de culture. On trouve, dans le voisinage, de vieux murs bien cimentés et beaucoup de briques, indices certains d'habitations romaines. - En 1352, le 5 de février, Michel d'Anneville, chevalier, fonda, dans l'église, la chapelle de saint Michel. Il la dota richement, et se réserva le droit de présenter le chapelain, chargé d'acquitter les obits fondés pour lui et pour sa femme. On voyait autrefois, dans le chœur de l'église, le tombeau de Michel d'Anneville et de sa femme, morts après 1350. Sur la cuisse gauche de Michel, pendait un écu long et étroit, aux armes d'Anneville. Ce monument est dessiné dans la généalogie de cette famille. - C'est à Montaigu que la Sinope à sa source; une des fontaines d'où elle sort, porte son nom, dans le voisinage du hameau aux Massons.

Montfarville, (ou plutôt Morfarville) arrondissement de Valognes, canton de Quettehou, population 1,900 habitants. - Ancien château-fort où résidèrent quelquefois les ducs de Normandie , rois d'Angleterre. Le roi Jean-sans-Terre y coucha le 3 décembre 1203; ce fut la dernière nuit qu'il passa en Normandie. Deux médailles d'or trouvées récemment au hameau des Roques et possédées par l'auteur de cet article, une de Néron et l'autre de Valens. Terrain le plus fertile du département. Chapelle de lépreux au bord de la route d'Anneville à Barfleur.

Octeville-la-Venelle, arrondissement de Valognes, canton de Quettehou, population 920 habitants.- Tire son nom de la famille Avenel, fameuse en Normandie, en Angleterre et en Ecosse, qui donna les dîmes a l'abbaye de Blanchelande. Sur une hauteur voisine de la Sinope, on voit l'emplacement d'un camp romain appelé les Castiaux de Biderault. A l'ouest de ce camp, sur une autre hauteur peu éloignée, on tirait jadis du minerai de fer, qui était fondu au moulin de Biderault. Dans un terrain de la cour d'Octeville appelé la Falaize et le Capelier, on découvre fréquemment depuis longtemps des traces d'habitation romaine.

Quettehou, chef-lieu de canton, arrondissement de Valognes, population 2,000 habitants. - Marché le mardi; deux foires. Eglise remarquable, à ogives, sur une hauteur, à quelque distance du bourg. Cette église donnée a l'abbaye Sainte-Trinité de Caen par la reine Mathilde, femme du Conquérant, repassa dans le XIIIe siècle à l'abbaye de Fécamp.

Réville, arrondissement de Valognes, canton de Quettehou, population 2,020 habitants. - Cette paroisse, située à l'embouchure de la Saire, entre les ports de la Hougue et de Barfleur, est avec Montfarville une des plus fertiles du département; il y avait autrefois une commanderie de Templiers, fondée avec celle de Villedieu par Henri Ier, fils de Guillaume-le-Conquérant. La nef de l'église est un bon modèle d'architecture romane. La chapelle saint Eloi, qui n'en est pas éloignée, appartient à la même époque; on y remarque des sarcophages en tuf. La mer a beaucoup envahi sur la côte de Réville; la croix de Saire, dont les débris se voient encore sur les rochers maritimes , pourrait le prouver au besoin. Le câtel de Réville offrait naguère, sur une hauteur, des traces de retranchements effacés par la culture. On y a découvert, il y a quelques années, une quantité considérable de médailles romaines en grand bronze, près de l'ancienne voie de la Hougue à Barfleur. Toute la côte de cette commune est riche en granit ; beaucoup de carriers et de piqueurs y sont employés; il s'en fait une grande exportation, même pour la capitale. Les moyens d'embarquement sont extrêmement faciles; la plupart des carrières sont au bord de la mer. Presque tout le granit de la cote du Val-de-Saire, dans les cantons de Saint-Pierre et de Quettehou, est employé hors du département, sous le nom de granit de Réville.

Saint-Pierre-Eglise, arrondissement de Cherbourg, chef-lieu de canton, population 2,300 habitants. Ce bourg a un marché les mercredis et plusieurs foires. On y voit les ruines d'un ancien château détruit parles ligueurs sous le règne de Henri IV. Le célèbre abbé de Saint-Pierre (Castel) y était né. Le château moderne, bâti par un de ses petits-neveux, est un des plus beaux du département. L'abbé de Saint-Pierre mourut à Paris en 1743; il était né en 1658. - Il y a une rue aux Juifs dans le bourg; il y en a une aussi à Fermanville, dans le même canton, et une à Tourlaville, qui n'en est pas éloigné. Le beau et très remarquable phare de Gatteville est à l'extrémité Est du canton et de l'arrondissement.

Saint-Vaast-la-Hougue, arrondissement de Valognes, canton de Quettehou, environ 3,000 habitants. - On a porté le chiffre de la population plus haut, mais on croit que le désir de faire transférer à Saint-Vaast le chef-lieu de canton, a fait dépasser la réalité. - Ce port de mer très avantageusement situé a existé à la Hougue à toutes les époques. Dans le siècle dernier, on a longtemps balancé entre cette position et celle de Cherbourg, pour l'établissement d'un port militaire. Le choix a été depuis fixé sur Cherbourg, où des travaux immenses ont été exécutés, mais d'habiles marins persistent à croire que Saint-Vaast offrait plus d'avantages. - Il s'y fait un commerce considérable de cabotage. Au printemps, on équipe un certain nombre de navires pour la pêche du maquereau; nous en avons parlé plus haut à l'article du commerce. Depuis quelques années, on y parque des huîtres, qui sont l'objet d'un commerce étendu. Louis XI, en mariant Jeanne, sa fille légitime, au bâtard de Bourbon, lui donna entr'autres terres la seigneurie de Valognes et la baronnie de la Hougue-Saint-Vaast. L'amiral de Bourbon, devenu de cette manière propriétaire de la Hougue, s'en occupa spécialement; il en reconnut la position avantageuse pour y établir un des meilleurs ports de l'Europe. Il présenta au roi un plan très détaillé et dont en trouve un aperçu dans l'histoire de France, par Villaret; l'original de son mémoire existe aux archives de France, déposés a l'hôtel de Soubise. Parmi les débarquements opérés à la Hougue-Saint-Vaast, on peut citer celui d'Etienne de Blois, en 1137, et celui d'Edouard III , roi d'Angleterre, en 1346, avec toute l'armée qui traversa la Normandie et la Picardie, et défit celle du roi de France à la fatale journée de Crécy. Les Anglais y descendirent encore en 1441, 1492, 1560, et 1574. Ce fut dans la baie de la Hougue qu'eut lieu, en 1692 , la désastreuse bataille qui ruina la marine française. Plusieurs des plus gros vaisseaux s'échouèrent à Saint-Vaast; ils auraient pu être sauvés si la côte eût été protégée comme elle l'est aujourd'hui; malheureusement, ce fut après le désastre qu'on pensa à y élever des retranchements. Le 7 mars 1833, la mer se retira à une si grande distance, qu'elle laissa à sec plusieurs des vaisseaux du comte de Tourville. On en retira plusieurs caissons et plus de 42 charretées de boulets, dont la plupart étaient de 36 livres de balles : il s'y trouvait aussi une grande quantité de bois a brûler, destiné probablement à mettre le feu aux vaisseaux; mais la plupart coulèrent à fond. Saint-Vaast est la patrie de trois générations de peintres distingués, Hubert, Henri et Jean Drouais. Le dernier mourut à Rome, en 1788. On lui a élevé un monument dans l'église Sainte-Marie in viâ latâ ; ll n'avait que 24 ans, et il donnait les plus grandes espérances. Le fort de la Hougue, situé a l'extrémité d'une langue de terre très étroite, est couronné par une tour, qui le rend très pittoresque.

Teurthéville-en-Bocage, arrondissement de Valognes, canton de Quettehou, population 1,800 habitants, sur la voie romaine de Valognes à Barfleur et du camp romain de Montcastre, en Montebourg, au cap le Vic de Fermanville. La mi-voie de cette dernière est pleine de traces d'habitations romaines, à la rue de Venise sur Montaigu, et au pas de Vivray sur Teurthéville. Ce pas, où l'on a trouvé dernièrement un reste de pavé, était dans le bois de Barnavast, où il existait un prieuré de Bénédictins, devenu en commande depuis très longtemps. Durant les années 1591 et 1592, la commune de Teurthéville a été le théâtre d'une guerre acharnée entre les partisans de Henri IV et les ligueurs. Cette guerre se termina par la mort de M. Du Tourp, chef des ligueurs, tué dans un combat à Gonneville, le 22 décembre 1592. 1l avait soutenu la lutte avec une supériorité marquée pendant longtemps, jusqu'à l'arrivée de renforts considérables sous les ordres du comte de Canisy. Il existe beaucoup de détails sur les guerres et les combats de ces deux armées dans un ancien registre de la paroisse dont nous avons tiré copie.

Tocqueville, arrondissement de Cherbourg, canton de Saint-Pierre-Eglise, population 790 habitants. - Une petite foire Saint-Laurent, sur une hauteur appelée le Capelier. Dans une pièce dépendant du château, on voit un tumulus très plat, assez semblable à ceux du cap de la Hague. Un peu plus bas, au levant, sur la route de l'église de Tocqueville à celle de Sainte-Geneviève, on trouve le pont de la Tombette, mais on ne découvre dans le voisinage aucune tombelle, dans ce terrain très fertile; il est probable qu'elle a été applanie.

Valcanville, arrondissement de Valognes, canton de Quettehou, population 1,240 habitants. - Foire considérable le 25 septembre. - Anciennement attachée à une commanderie de l'ordre de Malte, qui avait d'abord appartenu a l'ordre des Templiers, détruit au concile de Vienne, sous le règne de Philippe-le-Bel. - Une voie romaine de Valognes à Barfleur traversait Valcanville. On y a trouvé des traces d'habitation, près du moulin du Houve, et une grande quantité de médailles en grand et moyen bronze, toutes du haut empire, près du laminoir à zinc de M. Mosselman. Ce laminoir a été établi depuis quelques années par M. Mosselman riche industriel de la Belgique. Les produits de cette usine sont employés dans le pays, ou exportés en Belgique, en Angleterre et en Hollande. Le zinc brut y est apporté de la Belgique et du pays de Liège. En bâtissant le presbytère à Valcanville, il y a quelques années, on détruisit un petit bâtiment, qui avait servi autrefois de logement aux commandeurs et qui servait de presbytère dans le dernier siècle. Sous une pierre qui servait de seuil, entre la cuisine et le cellier de ce vieux bâtiment, on trouva un pot de terre, dans lequel on avait autrefois renfermé un trésor de 366 pièces d'or, frappées généralement depuis le commencement jusqu'au milieu du XVe siècle. C'était en grande partie le temps de l'occupation anglaise. Aussi les trois quarts de ces pièces étaient frappées au nom du roi d'Angleterre, Henri VI. Ces monnaies pesaient à peu près 12 fr. 50 chacune. Le trouveur, qui était un maçon de 18 ans, en eut la moitié pour sa portion légale, et la paroisse l'autre moitié. Il est présumable que ces pièces avaient été cachées par le commandeur de ce temps, qui avait l'intention de les envoyer à Rodes; mais comme les temps étaient extrêmement dangereux, il les avait mises en sûreté, jusqu'a ce qu'une occasion favorable se présentait de les envoyer sans inconvénient.

Auteur

Charles de Gerville

Ouvrage

Etudes géographiques et historiques sur le département de la Manche

Année

1854

Source

Google Books