Inauguration du nouveau Port de Barfleur

Texte

Fête donnée le 22 août 1875 par la société des régates

Au milieu de la Manche, au levant qu'il regarde,
Voyez ce petit port qui, contre la fureur
Des autans et des flots, met nos pêcheurs en garde !
Est-il coquet et fier ! C'est le gentil BARFLEUR!

Ils sont bien loin les temps où le roi d'Angleterre
Y régnait en grand maître avec ses chevaliers;
Où, sur sa blanche nef, chassés de notre terre,
Périrent ses cousins, ses fils, ses nautoniers !

Ils sont bien loin les temps où le pilote Etienne Et ses deux matelots, nommés Ayrard, Thomas,
Montaient au plein leur nef, peur que vent d'amont vienne
Et la jette aux brisans en d'informes éclats !

Et vous, vieux Château Bleu, quai Noyon, maison Brène,
Roques-Fourque et Kerqueux, qu'êtes-vous devenus ?
Quand la mine à grands coups contre vous se déchaîne ,
Il vous faut bien périr : aussi vous n'êtes plus!

Hélas! s'ils revenaient, déchirant leur suaire,
Tous les vieux d'anciens temps, les Lechosel, Queslin,
Les Salé, les Bellot! ils baiseraient la terre,
Voyant leur mauvais havre enclos comme un bassin.

C'est qu'en effet, depuis, plusieurs maîtres habiles
Ont réduit ses vieux rocs : toi, Kerqueux d'autrefois,
Tu formes nos beaux quais, et taillé, les habilles
De ton granit brillant et pur tout à la fois.

Qui veut voir un bassin où la marée enchante,
Où le flot, gros dehors, entre et soudain se meurt?...
Qui veut voir le séjour où tout rit, où tout chante?
Qu'on n'aille pas à Nice et qu'on vienne à BARFLEUR!

En ce jour, vingt-deux août, cher port, on l'inaugure :
Les matelots en fête entonnent des refrains.
Ah! n'es-tu pas pour eux la protection sûre
Qu'ils demandaient aux Cieux, en élevant les mains!

Fêtez, chers loups de mer, bien juste est votre joie !
Fêtez tous, spectateurs; fêtons, nous Barfleurais !
Que l'univers accoure, il faut que l'on vous voie,
Toi, phare merveilleux; toi, beau port, et tes quais!

Lepine, 22 août 1875

Auteur

Lepine

Ouvrage

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Année

1875

Source

Gallica