Discours tenu par le citoyen Helpiquet

Texte

Discours tenu par le citoyen Louis Helpiquet, à Quettehou, le 25 avril [1848], devant l'assemblée des électeurs habitant Saint-Vaast-la-Hougue

Chers Concitoyens,

Permettez-moi de vous adresser la parole.

Une Révolution vient de s'opérer en France. Celle Révolution a été aussi prompte que celle de 1830 fut lente à se faire. Le but de cette Révolution est de rendre le respect à tous les citoyens, de rendre à tous les citoyens la justice et la paix, de faire jouir chaque citoyen de son droit. Aussi cette Révolution en appelle à la France, à tous les citoyens âgés de 21 ans.

Tous les Français sont appelés, par la voie dit sort, à supporter le fardeau des armes, soit sur terre, soit sur mer ; tous les Français sont obligés à payer les impôts, tous supportent les charges de l'Etat: tous, chers concitoyens, vous êtes donc naturellement appelés à rendre à tous les citoyens) aussi bien au plus petit propriétaire qu'au plus grand, le respect qui lui est dû, la jouissance de ses droits, la justice et la paix. Vous êtes tous obligés, par l'honneur et la gloire de la France, de diminuer les charges de l'État, d'abolir des impôts, de diminuer les autres. Tous, chers concitoyens, vous êtes un tribunal devant lequel chaque citoyen va plaider sa cause, exprimer son vote, nommer tel représentant qui lui conviendra. Vous êtes tous appelés à rendre la France heureuse, vous jouissez tous du droit d'Égalité, vous avez tous le droit d'élire Vos représentants, vous jouissez tous du droit de Liberté pour choisir tel représentant que vous jugerez capable. Mais ne vous y trompez pas. Ceux que vous nommerez vos représentants, auront le pouvoir de disposer de vos personnes et de vos propriétés.

Nous auront le pouvoir d'appeler aux armes, soit sur terre, soit sur mer, ils auront le pouvoir de lever des impôts, ils auront le pouvoir de faire des lois. A Dieu ne plaise donc que vous ayez même la pensée d'aggraver les maux de la France, d'augmenter les charges de l'Etal. Nous n'avons pas besoin de tant de gens sous les arrhes, sur terre et sur mer, pour faire respecter les droits de la France, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur. Nous n'avons pas besoin de tant d'hommes sous les armes pour défendre le droit des gens, c'est-à-dire le droit qui s'exerce entre nations. Une force convenable Suffit pour faire respecter les droits de nos concitoyens qui commercent à l'étranger, et pour faire respecter le droit civil.

La religion, que tous les peuples adorent, cette, vertu morale par laquelle nous connaissons Dieu, cette vertu sans laquelle l'homme ne peut vivre , car l'homme ne peut pas vivre, s'il ne prend des aliments convenables, bienfaisants, qui le nourrissent et le fortifient ; et il ne peut pas bien vivre , s'il manque à son devoir de fraternité, s'il ne fait pas aux autres hommes comme sa raison le lui dicte, comme.la vertu de fraternité l'engage à le faire. L'homme qui ne respecte pas la loi, qui transgresse la loi, qui offense un autre homme ou la société, est accusé d'injustice, de crime : il est traduit devant des sociétés ou tribunaux établis pour juger les injustes, les criminels, pour faire disparaître le désordre du sein de la société. La religion comme la raison est une très belle lumière que Dieu, cet esprit infiniment parfait, infiniment sage, a mise en nous, pour nous faire marcher dans la voie de la vérité, de la justice et de la paix.

O France ! qui t'a donc mise dans un tel état de désordre, d'avilissement, de corruption ? Cette belle robe de justice dont tu te parais, est tombée dans la poussière, elle est foulée aux pieds, elle est mise en lambeaux ! Hélas ! ce sont tes enfants qui ont commis cette erreur, cette injustice ; ce sont tes enfants que la justice de Dieu a laissés à leur malice, à leur injustice, à leur victoire, pour les punir et punir tous tes enfants. Mais à tant de maux, à tant de peines peut succéder un remède beaucoup plus grand, un remède salutaire, la miséricorde du Seigneur. Confions-nous donc en sa divine providence ; demandons-lui sort assistance.

Noire raison nous montre la voie de la justice, nous fait voir le respect dû à chaque citoyen. La vertu de fraternité et de salut que nous appelons la charité, nous engage à être, juste, à rendre à chaque citoyen ce qui lui appartient. Suivons donc notre raison et cette vertu de fraternité, de salut. Tous citoyens, rendons la justice à tous nos concitoyens, nommons des représentants qui réparent les maux de la France à qui disposent de nos personnes et de nos propriétés pour le bonheur de la France, qui diminuent les charges de l'Etat, qui nous fassent jouir des bienfaits de la justice et de la paix.

Le Gouvernement fit une proposition pour rendre justice à la France. Cette proposition a toujours été soutenue par les gens probes, par les gens de bon droit ; par les gens qui voulaient le règne de la justice et de la paix. Cette proposition, qui est pour moi un titre, sans lequel je ne puis jouir des testaments qui m'ont été faits ; cette proposition devrait être publiée, afin que tous les citoyens en admettent ou rejettent les conséquences. Mais cette proposition toujours été battue par des gens qui, loin de diminuer les charges de l'Etat, de vouloir le bonheur de la France, se sont fait honneur et gloire d'augmenter les charges de l'Etat, les malheurs de la France. Ah ! lorsque j'eus cessé de faire les fonctions ecclésiastiques, il y a 27 ans, et qu'on m'eut enseigné la conduite que je devais tenir à cause de Cette proposition, à cause du droit public, la médecine, environ un an et demi après, la médecine abusant de son art, me fit la guerre avant et dînant tout le carême. Puissiez-vous, chers concitoyens, être exempts des conséquences d'une malice si grande.

Evitons la guerre civile et ses horreurs, évitons de porter les armes pour troubler la France et les autres nations de l'Europe. Nommons de bons représentants qui se fassent un devoir de rendre la justice et la paix à tous les citoyens. Peut-être direz-vous : Nous ne connaissons pas ceux qu'on nous propose de nommer. Cependant nous devons connaître un homme de droit et de bon conseil qui jouit d'une très grande considération dans cet arrondissement où il a été député par trois fois-, et à Paris où il fut membre de plusieurs hautes commissions sous le gouvernement précédent-nous connaissons M. Alexis de Tocqueville. Mais si nous ne connaissons pas les citoyens qu'on nous propose, eh bien ! comme un homme qui ne connaît pas les moyens de bien défendre sa cause, va consulter un homme de bon droit qui lui donne un avis, consultons des citoyens qui aiment la justice et la paix. Suivons leur bon conseil. Hélas ! j'aurais été bien aise, pour la commodité des citoyens, que les élections eussent été faites dans chaque paroisse ; on aurait pu établir dans chaque paroisse un comité électoral. On aurait pu aussi appeler dans chaque paroisse tous les citoyens à fixer un cens, à nommer des représentants électeurs, car si les citoyens le plus imposés ne sont pas tous d'un même avis, les citoyens le moins imposés ne sont pas tous d'un même goût ; et pour éviter la confusion ; ces représentants électeurs auraient pu nommer seulement dans leur arrondissement le nombre de représentants convenable à cet arrondissement. Mais tous les citoyens sont appelés à nommer immédiatement leurs représentants ; nommons donc des représentants qui veuillent que la France règne du règne heureux de la justice et de la paix. Vive le respect dû à tous les citoyens, vive le droit de tous les citoyens, vive la justice et la paix, vive la République !

Je désirais faire imprimer ce petit discours avant les élections des représentants afin d'en donner connaissance par voie d'affiches a tous les électeurs de l'arrondissement de Valognes ; mais les imprimeries soit de Valognes, soit de Cherbourg, étaient trop occupées, elles n'ont pu imprimer.

Maintenant j'ajouterai que des élections d'une très 'grande importance doivent avoir lieu, que les électeurs de chaque paroisse nomment leur conseil municipal, et que par l'intermédiaire de leur conseil municipal ; ils nomment leur maire ou syndic et leurs adjoints, je n'y trouve aucun inconvénient. La nomination des maires des villes d'arrondissement, dé chef-lieu de département, et des villes dont la population est désignée dans le décret, est réservée an chef du gouvernement. Cette, réserve me paraît fort juste ; cependant le chef du gouvernement ne doit pas jouir de droits que les Français ne lui ont pas donnés, car les Français sont véritablement le Roi de France.

Un Président ou Roi qui tient de tous les citoyens de sa République des droits d'utilité particulière et commune, de salut public, des droits qu'il veut employer pour le bonheur de sa nation, les pairs d'une République, lesquels ont des droits légitimement établis pour rendre à leur nation la justice et la paix, les députés qui sont munies de pouvoirs explicites; et beaucoup d'autres personnes qui sont munis de pouvoirs légitimes pour rendre à tous justice et paix; toits ces citoyens ne doivent pas être privés de leurs droits, et leur pays ne doit pas être privé de leur protection, de leur défense. Ah ! si tous ces citoyens pouvaient être privés de leurs droits, quelles en seraient les conséquences ? L'ouvrier ne pourrait-il pas aussi être privé du fruit de ses économies ? Le commerçant et le laboureur des fruits de leurs travaux ?

Mais un Président ou Roi d'une République ne doit pas user des droits que tous les citoyens de sa République ne lui ont pas donnés. Les pairs et les députés de celle République ne peuvent pas concéder des droits qu'ils n'ont pas. Cependant, à cause d'utilité commune, de salut public, les pairs, les députés et autres citoyens d'une République Ont, ce me semble, le droit de nommer un Président ou Vice-Roi. Ainsi, les Représentants de la République française ont bien et dûment investi du pouvoir souverain un général d'un très grand mérite, le général Cavaignac.

Je dis donc, les conseils généraux des départements de la France doivent bientôt siéger, chaque conseil général dans son département. Ces conseils proposent les lois d'amélioration, de salut public, et les administrations des départements leur doivent compte des recettes et des dépenses. Nous devons donc, nous citoyens appelés à élire nos représentants dans le grand conseil du département de la Manche, nous devons employer toute la force de notre raison pour élire des citoyens capables, dignes de nous représenter dans ce grand conseil; des citoyens qui répudient ces fausses doctrines, ces doctrines subversives de la société, le désordre; qui veulent le respect dû à tous les citoyens, le bon ordre; qui veulent rendre à tous les citoyens la justice et la paix; qui veulent diminuer les impôts, les charges de l'Etat.

Citoyens, je suis, avec un profond respect, votre très humble serviteur,

Louis HELPIQUET

Auteur

Louis Helpiquet

Ouvrage

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Année

1848

Source

Gallica